vendredi 15 février 2013

Les succès et les échecs 2012 - Partie 2

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Ces nervures de glace, sur les vitres de notre vieille maison,
me rappellent qu'il est plus que temps de dévoiler
ce qui s'est passé cette dernière saison.
Louise :
Cette année, j'ai failli ne pas écrire cet article, car bien que la saison n'ait pas été une catastrophe, certaines de mes récoltes qui sont habituellement des succès ne l'ont pas été et, de plus, j'ai fait quelques erreurs coûteuses... Ce qui a provoqué chez moi une panne d'enthousiasme pour dresser le récit qui suit, même si à mon âge, je devrais savoir que les imprévus font partie inhérente du jardinage !
Commençons donc par les grands absents :
 D'abord, les haricots grimpants furent les victimes d'une expérimentation qui n'a pas fonctionné: j'ai fait l'erreur de vouloir maximiser mon espace en plantant en premier des pois grimpants à l'endroit que je réservais pour mes haricots. Or, les pois ont pris tellement de temps à produire qu'ils ont trop retardé la plantation des haricots. Alors, ces derniers ont eu beau faire leur possible, ils n'ont eu le temps de produire que quelques semaines avant l'arrivée des grands froids automnaux.
Ensuite, les pommes que je cueille au pied de pommiers abandonnés dans ma région semblent n'avoir tout simplement rien produit, probablement parce que la floraison a été compromise. Il semblerait aussi que les raisins qui poussaient dans ces pommiers ont connu le même sort. Pire : les plants semblent malheureusement avoir été envahis par des vignes de houblon ! Nous verrons bien comment cela se développera l'an prochain... (Noter par cet exemple que le jardinage ne manque pas de suspens!)
Enfin, les amélanchiers - comme ceux d'Hélène - ont eux aussi perdu leur floraison et n'ont donc pas produit. Quant aux framboises noires, les fruits ont desséché sur les branches, triste répétition des échecs de l'an passé. Les sureaux n'ont presque pas fructifié, eux non plus. Heureusement, il me restait un  dernier pot de confiture de ma récolte 2011. C'est que, voyez-vous, au printemps 2012, je me suis bien rendu compte que ces arbustes ne fleurissaient pratiquement pas, ce qui voulait dire aucune récolte de petits fruits à la fin de l'été. Alors, j'ai sagement décidé de préserver mon pot pour cet hiver, car la confiture de sureau est nettement meilleure lorsque mangée par un dimanche matin de grand froid en janvier !    Tout en me régalant, j'ai philosophé sur ma bonne habitude de me faire des réserves de bonnes choses pour les jours où Dame Nature ne remplit pas ses promesses.

Par contre, l'absence de concombres et de courges est entièrement ma faute. En effet, par manque de temps et d'énergie en début de saison (et c'est bien là que nous avons besoin de ces deux attributs pour bien démarrer le jardin), je n'en ai simplement pas  semé. 

Puis, il y a eu une erreur douloureuse :
Mes tomates Pantano Romanesco,
une des variétés laissées dehors
un peu trop longtemps et que
nous avons dû manger rapidement
pour ne pas les perdre.
 
J'ai eu beaucoup de tomates délicieuses. Nous en avons mangé à satiété et j'en ai aussi donné, et le reste de la récolte a été rentrée seulement après les premiers gels; j'ai pris soin de couvrir mes plants durant ces nuits trop froides, tout de même. Mais je crois que j'ai un peu trop poussé ma chance, ce qui fait qu'une partie de mes tomates vertes, lorsque je les ai rentrées pour les laisser mûrir lentement à l'intérieur, se sont un peu moins bien conservées qu'à l'habitude. 


Plant de tomate cerise Sub-Arctique,
une variété déterminée
qui s'accomode très bien de la vie
en pot et des étés frais, mais qui aussi,

a produit des petits fruits délicieux en 
abondance pendant notre été chaud.








Pire! J'avais mis de côté une quarantaine de tomates vertes en parfait état, d'un cultivar appelé "Long Keeper". Cette tomate a la réputation de se conserver très longtemps si elle est encore verte, tant qu'elle est à la noirceur et au frais, et elle peut se garder dans de telles conditions jusqu'à trois mois. On peut les faire mûrir, une à la fois, en les ramenant à la chaleur et à la lumière. Or, j'ai choisi de les entreposer dans notre cave en terre battue, dans un contenant de métal à l'abri des mulots (nous en avons à l'occasion qui se faufilent entre les pierres des fondations lorsque les chattes ne les ont pas attrapés dehors). Mais je n'ai pas réfléchi et j'ai fermé le contenant avec un couvercle de bois, ce qui fait qu'elles ont sué et ont moisi, malgré leur enveloppe de papier journal. Résultat : je les ai toutes perdues...
À ma défense, je peux mentionner que je suis une novice en matière de conservation de fruits et légumes en chambre froide...

Il y a quand même eu de bonnes récoltes : 
Les fraises, la rhubarbe, les bleuets et les groseilles ont produit abondamment et fidèlement (ces dernières avaient desséché sur les plants, l'an passé - ce qui est rare, mes groseillers sont habituellement de nature très généreuse).
Joli cadeau de Noël!
Peut-être l'avons-nous déjà mentionné
dans un autre article, mais n'oubliez pas,
les topinambours peuvent provoquer
des flatulences et même des maux de 
ventre. Heureusement, ceci
n'affecte personne dans ma famille.
Il paraît que pour éviter ce désagrément, 
il faut les manger le plus frais possible,
c'est-à-dire immédiatement après les
avoir récoltés, donc, 
on ne cueille que ce dont on a besoin
et on laisse le reste en place.
Les topinambours cultivés en pot m'ont permis de faire un début de récolte en décembre, après que le sol soit complètement gelé. Je n'ai eu qu'à rentrer le pot et à laisser dégeler le tout à l'intérieur. Le printemps passé, j'avais retrouvé quelques tubercules de topinambours dans le fond de mon frigo, misérables petites choses ratatinées. Je les avais plantés à même le sac de terreau (un raccourci de jardinière paresseuse!), celui-ci a été perforé de quelques trous, puis inséré dans un grand pot, ce qui était plus facile pour le transport et le maintien de la forme. J'ai eu beaucoup de plaisir à fouiller dans cette belle terre noire à quelques jours de Noël, un merveilleux cadeau de moi à moi ! Il me restera encore ceux qui ont poussé tout l'été en pleine terre, pour une récolte au printemps prochain, dès que le sol aura dégelé.
Aubergine "Slim Jim", une variété qui donne de petits fruits.
Mes plants ayant hiverné à l'intérieur, ils ont recommencé
à produire très rapidement une fois retournés dehors.
Les patates, quant à elles, m'ont donné une récolte passable, sans plus. Mais avec les topinambours, ces deux légumes ensemble font pour une belle quantité et une belle diversité malgré tout.
Une petite partie de ma
récolte de patates.
Les betteraves m'ont donné une belle et délicieuse récolte, en jardinière par-dessus le marché ! Les poivrons et les aubergines ont aussi produit généreusement, sur des plants de l'année précédente que j'avais fait hiverner à l'intérieur.
Mes vivaces comestibles étaient bien sûr au rendez-vous : pousses, fleurs et graines d'hémérocalles, feuilles de violettes (Viola) et d'herbe aux goutteux (Aegopodium podagraria).
Il y a aussi eu les feuilles et fleurs de tilleuls (ceux du parc à côté de chez moi). Les jeunes feuilles sont excellentes telles quelles en salade. Quant aux fleurs, on en fait de la tisane - une de mes préférées.

Pousses d'hémérocalles cueillies le
printemps passé, blanchies et
prêtes pour le congélateur.
Ce soir, justement, j'en ai fait dégeler
un sac, pour l'incorporer à une
belle omelette.
Cet automne, j'ai aussi continué à faire pousser à l'intérieur quelques légumes en pots et jardinières, ce qui fait que nous mangeons occasionnellement des tomates cerises (nous en avons récolté plus de 200 depuis fin octobre) et des champignons pleurotes, sur une bûche, exactement comme celle d'Hélène. Je n'ai pas redémarré mon "potager vertical" (mon Windowfarm), car je tiens à faire une modification à l'installation. Il faudrait que je me décide : je pourrais ainsi obtenir des haricots tout frais en quelques semaines. Quelques plants de fines herbes ont été rentrés pour l'hiver et nous continuons à les utiliser : persil, origan, laurier, romarin et menthe ajoutent une touche de magie à tout plat hivernal. J'ai même rentré des plants d'ortie urticante qui me fournissent de belles feuilles que je peux ensuite faire sécher.
Une belle surprise, aussi : des oignons commencent à pousser directement de mon seau de vermicompost ! Allez voir mon explication sous la photo.
J'ai jeté des bulbilles d'oignons dans mon vermicompost il y a un mois,
car ils avaient été oubliés et me semblaient desséchés au point
d'être irrécupérables. Et les voici qui se sont pointé le bout du nez,
cette semaine. Je ne sais pas si les bulbes vont se mettre à grossir, 

mais je pourrai probablement les manger sous forme d'oignons verts 
ou encore, cueillir seulement les tiges ...
Depuis un bout de temps, je jongle avec l'idée que peut-être certaines plantes
pourraient pousser à même le vermicompost, s'il est recouvert d'un paillis
suffisamment épais, comme ici.
Eh bien, voici ma chance d'observer le phénomène...

Quelles leçons devrait-on tirer de tout ceci ?

La tomate Anna Russe a souvent une
forme de coeur, ce qui décrit
bien mon amour pour le jardinage,

dans les hauts comme dans les bas.
Que le jardinage est, par définition, une aventure dans l'inconnu, mais aussi que, tout simplement, les demi-succès, les erreurs et les échecs font tout autant partie des récoltes que les paniers débordant de fruits et de légumes. Et que leur produit dérivé est... l'expérience !

Ces échecs obligent le jardinier à cultiver d'autres choses précieuses, comme la patience,  la sagesse, l'humilité, mais aussi la persévérance, la créativité et la débrouillardise. 


Stratégies utilisées en permaculture pour minimiser l'impact des échecs sur notre jardinage :


La livèche est une vivace facile à
cultiver qui ressemble
aux feuilles de céleri et en a le goût.
On peut donc la cultiver à la place
du céleri, beaucoup plus capricieux.
On la taille à mesure qu'elle pousse,
on congèle les feuilles ainsi cueillies
 et on l'utilise plus
tard pour donner un goût de céleri
à n'importe quel plat cuisiné.
- Répéter les francs succès. Lorsqu'on trouve une plante qui fonctionne bien dans son environnement, c'est que les conditions locales lui conviennent parfaitement. En prendre bonne note et la cultiver à nouveau. En faire un classique de notre jardin. Cette plante pourrait s'avérer être le succès récurrent qui entraîne le jardinier à persévérer malgré les saisons difficiles. En effet, certains légumes sont presque toujours au rendez-vous, année après année.
- Diversifier! Si cinquante récoltes différentes sont prévues et sont réparties aux quatre coins du jardin, il y a fort à parier que seulement certaines d'entre elles seront affectées par une mauvaise saison ou une catastrophe localisée (comme l'emménagement imprévu d'une famille de marmottes sous la remise de jardin). 
- Pour diversifier, ne pas penser seulement aux légumes annuels, mais laisser une place de choix aux plantes fruitières et potagères vivaces, ainsi qu'à certains arbustes et arbres producteurs de récoltes comestibles. 
D'ailleurs, ces végétaux sont généralement faciles d'entretien, une fois qu'on leur a trouvé un endroit qui leur convient et leur a laissé le temps de s'établir. Désherbage, paillis, ajout de matière organique, humidité suffisante représentent les grandes lignes de leur programme de soins. Puis vient le temps de la récolte (en quantité raisonnable, si c'est la sève, les feuilles ou les tiges qu'on consomme, pour ne pas trop affaiblir la plante ou l'arbre). Voici des exemples. Parmi les vivaces : topinambour, rhubarbe, asperge, fraisier cultivé comme couvre-sol, fougère tête de violon, violette (Viola - pour les fleurs et les feuilles), herbe-aux-goutteux, livèche, oignon égyptien, ciboulette, raifort (pour les feuilles ou même la racine si on en laisse une partie en place), mauve (Malva - pour les feuilles). Arbustes : framboisier, groseiller, camérisier, bleuetier. Même certains arbres ne demandent qu'à donner leur récolte sans demander grand entretien en retour (pensons au sirop d'érable et aux feuilles et fleurs de tilleul). Et nous n'avons pas encore parlé des arbres fruitiers, dont plusieurs variétés demandent quand même pas mal d'entretien, par contre.
- Mélanger plantes comestibles et décoratives, car en plus d'être beau, un jardin très diversifié est plus résistant aux maladies et beaucoup moins invitant pour les envahisseurs indésirables, car ils doivent chercher pour trouver leur nourriture de prédilection. De plus, certaines plantes différentes peuvent devenir d'excellentes voisines et même s'entraider. Il y a beaucoup d'avantages et de beauté à découvrir dans la diversité. 
- Diversifier est aussi valable pour les espèces de légumes annuels : une saison précoce, chaude et sèche favorisera les tomates (si elles ne manquent pas d'eau), mais pas les laitues. Les variétés ont aussi leur rôle à jouer : telle sorte de courge sera particulièrement bien adaptée à un sol en particulier ou aux conditions climatiques d'une région spécifique (personnellement, je suis encore à sa recherche). De ce point de vue, il faut se donner la peine d'essayer constamment de nouvelles variétés, de dénicher des graines de légumes anciens (qui étaient habitués à vivre sans produits chimiques, par exemple, car certaines variétés récentes d'hybrides dépendent de l'application de ces produits) et de faire des échanges avec d'autres jardiniers de la région.

Thym laineux (vivace) 
et pensées tricolores Johnny-Jump-Up
(Viola Tricolor - vivace de courte durée
dont les fleurs sont comestibles), 
font un superbe couvre-sol, un exemple
de beauté par la diversité.
Enfin, varier et adapter les techniques de culture. Par exemple, en échelonnant les semis de haricots dans le temps, la récolte est étalée sur une plus longue durée, mais aussi les chances qu'au moins une partie des plants passe à travers les aléas saisonniers, comme une tempête de grêle ou un gel très tardif, sont augmentées. Ou encore, si le temps est trop sec, un paillis est un choix judicieux alors qu'en saison pluvieuse, il ne fera qu'attirer les limaces qui se régaleront aux dépens du jardinier! 






 
Quand une récolte ne donne pas ce qui est attendu, nous pouvons remédier à la situation de diverses façons
- Tenter l'expérience à nouveau, si on suppose que la saison n'était pas optimale et que la prochaine sera sûrement mieux;
- Laisser tomber ce type de récolte (parfois, il ne sert à rien de s'entêter, si les conditions minimales sont impossibles à reproduire chez soi). 
- Réessayer, mais en faisant les choses différemment. Cette solution n'est pas pour les paresseux, car elle demande investigation, réflexion, recherche de conseils, etc. Mais c'est celle qui est la plus riche en expérience. Ainsi, on peut chercher à remplacer un légume par un autre (les oignons par l'ail ou la ciboulette, par exemple), ou encore changer de variété (les tomates originaires de Russie sont mieux adaptées aux étés froids que celles provenant d'Italie), de techniques (augmenter la distance entre les plants peut faire une bonne différence si la terre de notre jardin est un peu trop pauvre pour telle espèce de légume) ou de conditions de culture (planter des concombres dans un endroit plus chaud et ensoleillé, par exemple).  
- Rester à l'affût des nouveautés. Il se pourrait qu'un nouveau cultivar apparaisse sur le marché, capable de s'adapter à des conditions plus difficiles ou inhabituelles (comme c'est le cas de la tomate "Red Robin", plant nain capable de pousser à l'intérieur sous lumière artificielle ou sur le rebord d'une fenêtre). Il arrive aussi de plus en plus fréquemment qu'une variété ancienne refasse surface, à cause de qualités qui ont été oubliées chez les cultivars modernes. En effet, les découvertes et redécouvertes horticoles sont nombreuses et, en expérimentant de toutes sortes de façons, plusieurs jardiniers passionnés y contribuent à chaque année!


Pour conclure, j'offre ce conseil à tout jardinier qui veut bien l'entendre (et je me le répète à moi-même en me tenant bien droite devant le miroir) : quand on veut faire pousser quelque chose, il est toujours utile se faire vacciner d'une généreuse dose d'optimisme !
Notre érable le plus vénérable est figé dans sa saison hivernale.
Nous aurons à attendre encore quelques semaines avant
de pouvoir récolter son eau. Mais en plein mois de janvier,

quelqu'un d'autre s'affaire déjà à récolter quelque chose
sous l'écorce de ce géant endormi. Observez la photo suivante...