mardi 31 décembre 2013

Des plates-bandes comestibles et riches en diversité, partie 1

This article in English.
Este artículo en Español.

Louise :

Il y a quelques semaines, j'ai répondu à une lectrice anonyme qui nous a adressé un commentaire sur un article précédent expliquant ma découverte culinaire du moment : les hémérocalles.

Les hémérocalles (Hemerocallis) sont connues pour leurs fleurs comestibles, mais leurs jeunes pousses printanières se  mangent aussi et donnent alors une récolte fiable et abondante. Ici, hémérocalle "Corryton Pink".
Cet échange m'a donné le goût d'écrire à propos de la culture de plantes comestibles en polyculture, suivant mon expérience. Mais la tâche n'est pas si facile et comme je veux prendre l'espace nécessaire pour bien couvrir le sujet, il sera divisé en une série d'articles que nous publierons en rafale.

Qu'est-ce que la polyculture et pourquoi la pratiquer ?

La polyculture est une manière de concevoir jardins, plates-bandes, potagers ou même vergers pour qu'ils abritent une grande diversité de plantes. Dans ces espaces, si un bon nombre de plantes sont comestibles, plusieurs autres plantes ne le sont pas. C'est qu'elles sont appelées à jouer d'autres rôles, tout aussi importants. Il a été prouvé que cette façon de faire qui imite la nature permet d'établir des systèmes écologiques qui sont très résilients. Il n'est pas surprenant, donc, que l'idée de favoriser la plus grande diversité possible soit un principe de base en permaculture.
Mes plates-bandes en façade, durant la 3e semaine d'août. En voulant créer un jardin ornemental de vivaces aux floraisons continues, il y a plusieurs années, je me suis automatiquement engagée dans un jardinage en polyculture. Mais à l'époque, je ne connaissais même pas ce mot... et je n'avais pas encore pensé aux plantes comestibles !
À l'opposé de la polyculture, il y a la monoculture, le modèle dominant en agriculture industrielle. Un bon exemple en est le verger de pommes, où l'on ne retrouve rien d'autre que des pommiers poussant à travers un tapis d'herbe. On peut aussi penser à ces fermes immenses de l'ouest américain qui ne produisent que du maïs et du soya et pratiquement rien d'autre, ces deux cultures se faisant en rotation, pour moins épuiser la fertilité du sol. Ce modèle agricole ne cherche aucunement à imiter la nature. Résultat : il doit constamment faire la guerre contre l'environnement, à grands coups de fertilisants chimiques, d'insecticides, de pesticides et de machinerie coûteuse. 

Le secteur résidentiel a lui aussi sa monoculture: le gazon. C'est même la  plus importante culture irriguée des États-Unis. Dans ce pays, la surface totale occupée par les pelouses est trois fois plus grande que celle consacrée aux champs de maïs. (Voir cet article en anglais pour plus de détails.)
Mes plates-bandes et mes plantes potagères en pot, en août. Pour obtenir le jardin continuellement en fleurs de mes rêves, j'ai sacrifié la majeure partie de la pelouse qui régnait en impératrice entre la rue et la maison. Je ne l'ai jamais regretté.

Voici la jeune plate-bande
qui m'a servi à expéri-
menter les semis de
légumes en mélange.
La plate-bande potagère en polyculture:

Il est à noter que le terme polyculture peut aussi désigner une méthode de jardinage très spécifique où l'on utilise une simple plate-bande potagère dans laquelle on sème un mélange de graines de légumes variés à la volée, c'est-à-dire en les laissant pousser là où la graine tombe.

On choisit des légumes qui se sèment tôt au printemps et qui n'arriveront pas à maturité tous en même temps (laitues variées, radis, betteraves, carottes et moutardes, par exemple). À mesure que les jeunes pousses apparaissent et se développent, on éclaircit les endroits où les plantes sont trop densément serrées en retirant une partie des pousses et on les mange comme verdures ou comme bébés légumes. On laisse les autres en place pour qu'elles continuent leur croissance. On répète cette cueillette au besoin, jusqu'à ce que les distances entre les plants restants soient suffisantes pour assurer leur pleine croissance. 

Contrairement à la méthode traditionnelle, l'éclaircissement des rangs de légumes ne se fait pas très tôt en un seul coup, mais en plusieurs étapes. De plus, les jeunes plantes enlevées sont consommées au lieu d'être jetées. Enfin, les plantes poussant en mélange, elles peuvent occuper l'espace plus densément sans se nuire. Par exemple, pendant que la carotte croît sous terre, son feuillage étroit exploite l'espace entre deux laitues qui se développent en surface.

À mesure qu'on récolte, il est intéressant de créer quelques espaces dégagés juste assez grands pour y transplanter une jeune pousse d'un légume qui se développera lentement et qui prendra beaucoup de place une fois arrivé à maturité. Les brocolis et les choux sont de bons candidats.

Un des îlots de légumes en mélange,
entouré de paillis noir. J'ai protégé
les jeunes pousses en piquant en terre
une grande quantité de petites bran-
ches sèches. Ce truc est très efficace
contre les chats qui se cherchent une
litière ou qui veulent simplement un
coin pour faire une petite sieste.
J'ai essayé ce genre de polyculture, il y a deux ans, dans une jeune plate-bande semi-ombragée longeant la frontière de notre terrain entre notre maison et celle du voisin. Je n'ai pas utilisé tout l'espace, mais seulement trois îlots dans lesquels j'ai semé à la volée des graines de légumes en mélange : plusieurs sortes de laitues, des carottes, des navets, des radis, des betteraves et des bulbes d'oignons. 

Les laitues et les navets ont été intéressants, mais je n'ai pas eu grand succès avec le reste, probablement parce que l'espace choisi ne recevait pas assez de soleil, les carottes et les betteraves sont restées petites, et je ne vous parle même pas des radis. D'ailleurs, je n'ai pas encore déniché l'endroit idéal pour faire pousser ces légumes-racines chez moi.

La plupart d'entre nous, jardiniers, pratiquons déjà la polyculture: 

En effet, rares sont les jardiniers qui ne cultivent qu'une ou deux espèces de plantes. Et nous avons de moins en moins le réflexe de séparer physiquement nos plantes en deux catégories: les légumes dans le potager et les plantes ornementales un peu partout ailleurs. De l'aveu de ma belle-mère, cultiver tout légume annuel hors d'un potager ne serait venu à l'idée de personne dans les années quarante ou cinquante.
Pourtant, cette stratégie est particulièrement utile dans nos jardins de ville, de par leur exiguïté ou les conditions de culture qu'on y retrouve. Il n'est donc pas rare de voir, en ville, un plant de rhubarbe côtoyer un rosier rustique et quelques plants de tomates se réfugier dans le coin chaud et ensoleillé formé par la remise et la haie de spirées.

Mais plus on veut produire de nourriture sur nos petits terrains de ville et nos balcons, plus il faut trouver les moyens de faire mieux dans le même espace. Il faut donc exploiter au maximum la logique toute pratico-pratique de la polyculture.
Entre le trottoir et la maison, les vivaces sont reines, mais partagent tout de même l'espace et le soleil avec des fruits et légumes. La grande tache brune que l'on aperçoit au centre de la photo est justement un espace discret, réservé à des légumes annuels fraîchement transplantés. 


La polyculture, une alliée pour le jardinier qui cultive des plantes comestibles:

Les pois mange-tout sont des légumes
faciles à cultiver sur une très petite

surface, car ils peuvent pousser à la
verticale, sur un support auquel ils 
peuvent s'agripper. 
Bien sûr, même en dehors du potager traditionnel, il reste qu'il faut donner à chaque plante suffisamment d'espace et respecter ses besoins en lumière, eau, chaleur, acidité du sol, etc. 

En fait, les plantes potagères annuelles - qui composent l'essentiel de tous les légumes que nous ingérons - sont des plantes plus fragiles et "capricieuses" que bien des plantes ornementales vivaces. Leur capacité à s'adapter aux diverses conditions de nos jardins sont plus limitées. C'est normal : la plupart de ces plantes sont originaires de pays chauds et ensoleillés. Or, on leur demande bien plus que de bien pousser et d'être belles à regarder. Pour satisfaire nos besoins, elles ont donc subi une sélection génétique assez intense, au fil des siècles, et se sont habituées à se faire bichonner. 

D'ailleurs à mon avis, les variétés plus anciennes ont plus à offrir aux jardiniers que les hybrides modernes qui inondent le marché. En effet, ces plantes ont été sélectionnées pour leur grande productivité en situation de monoculture et pour leur résistance à des maladies spécifiques aux monocultures. Elles ont besoin d'irrigation constante, d'engrais, d'insecticides et de pesticides. 
Mais, laissées à elles-mêmes, elles sont moins bien armées que les variétés plus anciennes face aux adversités d'un environnement naturel (par exemple, la compétition avec d'autres espèces végétales ou les effets d'une sécheresse occasionnelle). Quelques agriculteurs reconnus pour leur contribution à une agriculture écologique en polyculture - par exemple le célèbre fermier autrichien Sepp Holzer - ont réalisé que ces légumes hybrides  perdent en qualité, en goût et même en valeur nutritive ce qu'ils ont gagné en productivité. 

Tomate "Sub-Arctic", de chez Semences Solana.
Elle se cultive facilement en pot, est très hâtive
(45-50 jours) et n'a pas besoin d'étés très chauds
pour bien produire. De plus, les tomates-cerises
qu'elle donne sont vraiment délicieuses. Mais
c'est une variété déterminée (i.e. ses fruits
mûrissent tous en l'espace de 2 ou 3 semaines,
puis le plant ne produira plus rien et dépérira). 
La popularité et la disponibilité de différentes variétés de plantes comestibles ou ornementales a beaucoup varié au fil des ans. Par exemple, dans le cas de plusieurs plantes à fleurs, en un siècle, la mode a glissé de cultivars donnant des fleurs très odorantes à d'autres donnant des fleurs plus belles à voir, mais presque sans odeur. C'est le cas de plusieurs cultivars de phlox, par exemple, et aussi de nouvelles variétés de plantes capables de produire des fleurs doubles. 

D'autre part, plusieurs plantes hybrides sont stériles ou produisent des rejetons qui ne sont pas fidèles à leurs parents. Or, dans le cas des plantes potagères, ce n'est pas ce que l'on cherche quand on veut récolter leurs graines pour l'année suivante. Par contre, certaines variétés hybrides présentent des qualités que l'on ne retrouve pas chez leurs ancêtres. C'est le cas de la tomate "Sub-Arctic" présentée sur la photo ci-haut.

La tomate "Anna Russe" est une
ancienne variété dont les fruits,
en forme de coeur, sont tout
particulièrement délicieux,
surtout quand ils sont très mûrs.
C'est une variété indéterminée,
ce qui assure au jardinier une
récolte s'étendant sur plusieurs
semaines. Provenance :
Semences Solana.


Hélène :

Bien sûr, il existe aussi des considérations par rapport à la mise en marché des plantes. Ainsi,  les pépinières préfèrent vendre des annuelles plutôt que des vivaces, puisque c'est ce qui ramène la clientèle, année après année. 

À l'épicerie, l'offre de fruits et légumes et autres produits alimentaires a beaucoup changé sur plusieurs décennies et bien que nous ayons plus de choix qu'auparavant, le goût des  produits provenant de fermes industrielles  est souvent inférieur à ce qu'il était par le passé ou à ce qu'on peut trouver dans nos potagers, parce que ces produits ont été sélectionnés génétiquement moins pour leur goût que pour leur apparence et leur transportabilité. 

Vous souvenez-vous de ces fraises de Floride à la chair très dure et qui ne goûtaient rien ?
Un beau fruit mûri sur le plant, si délicieux soit-il, ne ramène aucun sous s'il s'est transformé en bouillie suite au  transport Floride-Québec. Présentement, les fraises de Californie ont supplanté celles de Floride. Il se trouve qu'elles ont bien meilleur goût, tant mieux pour nous ! Mais ni l'une ni l'autre n'arrive à la cheville de nos fraises locales fraîchement cueillies, à mon humble avis, du moins quand la saison leur a été favorable.

Ce n'est pas que le goût n'est pas important, c'est simplement que pour le marché de l'alimentation de masse, ce n'est pas le premier critère de sélection d'une plante.


La tomate "Pantano Romanesco" est
côtelée et souvent cabossée. Pourtant,
elle donne des fruits charnus bons à
manger frais et excellents pour faire
de la sauce. Semences Solana.
Louise :

Par ailleurs, l'exigence du consommateur d'obtenir le légume ou le fruit à l'apparence parfaite conduit à l'élimination de variétés dont le seul défaut est justement une forme indésirable. Le producteur maraîcher recherchera les variétés qui ont une forme et une couleur uniformes et plaisantes à l'oeil. 

De fait, ceci mène souvent à un gaspillage dont le client n'est pas du tout conscient: plus d'un agriculteur ne trouve pas preneur pour une proportion importante de sa récolte (parfois la moitié), parce qu'il doit éliminer, par exemple, chaque carotte qui n'est pas droite ou chaque patate qui est un peu trop cabossée pour se peler facilement. 

D'ailleurs, c'est bien souvent ce genre de produit qu'on retrouve dans les sacs de 50 livres de pommes ou de carottes "à chevreuils", vendues aux chasseurs à l'automne pour attirer leurs proies. J'ai osé en acheter pour la propre consommation de ma famille. Je me suis retrouvée avec des carottes mal lavées, cassées, croches, "à deux pattes" ou surdimensionnées, mais délicieuses.  Elles m'ont demandé un peu plus de travail et j'ai eu un peu plus de pertes (au grand plaisir de mes vers de terre). Mais j'ai payé le tout 11 cents la livre (24 cents le kilo) !  Il m'est arrivé, une fois, de tomber sur un sac dont le fort goût de carotène ne m'a pas emballée. Mais la même chose s'est déjà produite avec un sac provenant de l'épicerie, alors... 

Lorsqu'on fait un jardin potager, on peut donc s'attendre au même phénomène : plusieurs des légumes produits présenteront toutes sortes de "défauts" : tomates siamoises, carottes croches ou un peu trop petites, peau imparfaite ou couleur irrégulière, d'autant plus que les semenciers nous vendent beaucoup de variétés de légumes dont les qualités premières ne sont justement pas l'apparence, mais plutôt le goût et l'originalité, par exemple. 

En faisant preuve d'un peu d'ouverture d'esprit,
on arrive parfois à transformer un échec
apparent en succès satisfaisant. Par exemple,
la moitié de ma récolte de navets présentait
des racines beaucoup trop petites pour parler de
succès, mais j'ai quand même récolté un grande
quantité de feuilles très saines que j'ai fait cuire
à la manière des épinards, comme légume
d'accompagnement ou dans un potage. J'en ai mis
au menu un demi-douzaine de fois en plus d'en
congeler pour l'hiver.
Il n'y aura personne entre nous et notre récolte pour discrètement faire disparaître tous les spécimens "gênants". Sans compter que les conditions varient d'une saison de jardinage à l'autre. Il n'est donc par surprenant que, pour une année donnée, tel légume nous donnera une récolte exceptionnelle en même temps que les résultats pour tel autre seront pour le moins décevants. Le jardinier novice qui n'a pas été averti de cela risque de passer par des phases de découragement

Dans des temps un peu plus anciens, les fermiers et jardiniers qui produisaient leurs propres semences n'étaient pas à l'abri des vicissitudes. Mais en persévérant, ils finissaient par sélectionner, année après année, des variétés très locales, qui s'avéraient très bien adaptées aux conditions spécifiques de leur région et de leur micro-climat. 

Or, en tant que jardiniers, nous pouvons nous aussi explorer parmi le grand choix que les semenciers nous offrent, pour trouver les espèces de fruits et légumes qui donnent un bon rendement chez nous et les variétés qui conviennent le mieux aux conditions de notre jardin, mais aussi à nos besoins et à nos goûts. 
Bonne exploration !

vendredi 8 novembre 2013

Les succès et les échecs 2013 - Partie 1

This article in English.
Este artículo en Español.

Le jardin en Juin verdit à chaque jour!
Article similaire de l'année précédente :

Hélène:
Il va sans dire, pour moi ce fût la plus belle saison depuis le début de ce blog! Les récoltes ont été abondantes, le temps était presque parfait et il y a eu peu d'échecs.

Récolte abondante et diversifiée : amélanches en
haut à droite, fraises en dessous, petits pois verts
en bas à gauche et fleurs de tilleul en haut à
gauche (pour tisane).
Les échecs :
Les seules anicroches notables sont les pluies abondantes du début de la saison (quoique je préfère de loin trop de pluie plutôt que pas assez), mais tout ces nuages nous on offert moins de soleil. Dans mon jardin, ça s'est manifesté par des fraises un peu plus tardives et un peu moins sucrées qu'à l'habituel (soleil = sucre, après tout). Dans les épiceries, ça s'est manifesté par une pénurie de fraises locales. Ç'a aussi entraîné par chez nous l'ouverture tardives des marchés fermiers. De plus, le manque de soleil est probablement responsable d'un curieux événement : je n'ai presque pas eu de tournesols. En fait, les 5 tournesols qui ont réussi à pousser ne sont arrivés qu'à la fin septembre et étaient plus petits qu'à l'habituel, ce qui est étrange puisque la grande majorité des plantes de l'année étaient plus grosses et vigoureuses que d'habitude.

Mon aneth n'a pas été chanceux non plus : Où les graines de l'année précédente sont tombées, elles n'avaient pas le temps de pousser qu'elles étaient ombragées par d'autres plantes plus vigoureuses. Et puis les asperges ont été plus minces qu'un crayon et donc je n'en ai pas cueilli. Mais je me suis rattrapée sur les pousses de hostas qui ont un goût similaire.

Ensuite, il y a eu des vents très forts; en fait tellement fort que mon petit lilas "Miss Kim" à l'avant de ma résidence a dû être remplacé (par un tilleul dont j'ai fait une belle récolte de fleurs pour faire de délicieuses tisanes) et mon seul arbre mature à l'arrière de ma cour, un bouleau, a été étêté. Je vais probablement devoir le remplacer au printemps prochain.


Finalement, le dernier pépin est arrivé vers la fin août. Les températures à cette date ont baissé dramatiquement, surtout la nuit et bien que nous ayons eu des températures clémentes par moments, les mois de septembre et octobre m'ont amené des soucis quant à la prédiction de la date buttoir qui entraînerait la fermeture du jardin. De plus, les premières semaines de septembre ont été pluvieuses ou ombragées ; il n'y a presque pas eu de soleil, ceci entraînant un autre de mes échecs : les cerises de terre. J'en ai eu quelques-unes seulement, et la plupart n'arrivaient simplement plus à mûrir!

Le jardin bien installé au début juin. Les hémérocalles Bitsy commencent à fleurir en avant-plan (la fleur jaune). On voit aussi en avant-plan, mais à gauche, la ciboulette en fleurs et les feuilles bleutées sont des feuilles de brocolis. Les grandes tiges qui suivent sont celles de l'asclépiade et à son pied, bien qu'on le voit très peu, il y a un plant de sauge dorée (on aperçoit un peu ses feuilles à travers la ciboulette). Entre le hosta suivant et le weigela (fleurs roses et feuillage brun ambré), il y a les tomates. Dans les pneus, une fleur de capucine rouge est déployée, mais la place est utilisée pour la courge discutée plus bas dans cet article. Finalement, dans le bac noir  près de la table à droite, il y a des patates.
Les succès:
Alors là, il y en a plein ! Des tomates aux patates. Je préfère encore vous montrer une panoplie de photos pour exprimer les succès survenus cette année dans le jardin.


Les radis m'ont permis de faire quelques pots de radis lacto-fermentés, ma façon préférée de manger ce légume qu'autrement, je trouve plutôt quelconque.


Les framboises (2 couleurs svp), les fraises et les cerises de terre (en petite quantité seulement) étaient excellentes en début d'été. Mes framboises dorées ne font pas de grandes récoltes, mais leur avantage est notable : Elles durent jusqu'aux gels. La dernière a été mangée autour de l'Halloween.


Quelqu'un veut une tisane? Ici, la menthe poivrée, la baume mélisse et la menthe verte promettent une belle soirée.




 Les mélanges de tisanes que les jardins offrent sont - paraît-il - sans limite. À gauche, le thym fait une tisane idéale lorsque le système se bat contre un virus. Un peu comme le fait l'échinacée. La photo du bas montre des fleurs de lavande que j'adore ajoutées à d'autres plantes pour faire une superbe tisane (mon mélange préféré ces temps-ci est menthe poivrée, baume mélisse, graines d'aneth et fleurs de lavande).

Aussi, la lavande se prête merveilleusement aux pâtisseries : des biscuits poudrés (powdered biscuits en anglais).



La récolte de patates a été incroyable! La variété cette année était la patate rouge Norland de Veseys et elle est délicieuse. Elle fait des frites fantastiques et agrémente bien les potages. Elle n'est pas recommandée pour des patates pilées, puisqu'elle fait une purée plutôt collante et sans texture.

Les tomates dans la photo de gauche sont le début de la récolte seulement ; les semaines suivantes offraient une récolte beaucoup plus grosse, comme la photo ci-bas. En moyenne, je récoltais un bol tous les 2-3 jours.
Une récolte à ras-bord, agrémentée d'une branche de basilic
"African Blue". Les jours où la récolte de tomates était plus abondante, comme sur la
photo juste en bas, je congelais les tomates les plus grosses,
les rouges. C'est la variété Pink Vernissage de Solana. Elle fait
une sauce tomate incroyable, d'ailleurs. Les deux
autres variétés sont Raisin Orange ( de taille cerise, elle est délicieuse;
c'était la première année que je l'avais dans le jardin) et
petit moineau blanche, taille raisin, un classique chez nous dont je
vous parle souvent.

Un des résultats de la récolte de patates : des frites maison !

Certaines récoltes n'ont pas besoin de photo, mais elles sont bien présentes! Les navets par exemple, ont été d'une abondance incroyable. Nous en aurons amplement pour l'hiver! La moutarde a été abondante tout comme le fenouil (j'en parle plus bas dans l'article). En fait, les fines herbes en général ont bien fait, les fleurs aussi.


Les fèves ont été un succès incroyable : Sur la photo du dessus, les fèves de gauche sont les Jacob's Cattle (elles sont blanches tachetées rouge vin, ce qui leur donne une petite apparence bovine) et les fèves de droite sont un mélange entre les haricots d'Espagne (Scarlet Runner Beans en anglais, ma variété préférée entre toutes; elle fait les fèves mauves et noires) et Painted Lady (similaire à Scarlet, mais les fèves sont blanches et brunes et les fleurs à deux tons sont plus belles que celles à un ton de Scarlet).

Les citrouilles sont la variété Sunshine, qui était recommandée comme étant une des meilleures. Et c'est vrai! La chair fraîche est croquante et délicieuse et elle fait une purée superbe et parfaite pour de délicieux gâteaux à la citrouille (voici ma recette de gâteau à la citrouille préférée trouvée sur le web; même sans glaçage, elle est sublime).

Les photos de mes fèves ne vous donnent pas une idée exacte de la quantité que j'ai récoltée : en réalité, c'est au moins le double en fèves fraîches écossées qui n'ont pas eu le temps de sécher sur la plante. En tout, 1kg de fèves fraîches. À gauche, voici une photo parfaite pour voir le motif de petite vache de la fève Jacob's Cattle.
Au mois d'août, les fèves espagnoles (vignes à fleurs rouges montant le balcon), hémérocalles de diverses couleurs (les belles fleurs oranges deux-tons et rouge vin juste à côté sont deux merveilleux cultivars) et la molène (fleurs jaunes) décorent si joliment le terrain!

Les nouveautés et surprises :
Hemaris Diffinis,
le sphinx du chèvrefeuille
Il semble qu'à chaque année je parle de la vie qui se trouve dans le jardin et de ces surprises, ces plantes qui n'étaient pas prévues, etc. Je n'y manquerai donc pas cette année, bien qu'il n'y ait pas eu de grosse surprise intense comme les souris de la première année ou encore les courges mystères qui ont poussé là où elles ne le devaient pas (quoique je suis rendue à arracher une quantité incroyable de jeunes plants de tomates qui, à l'instar des courges, poussent n'importe où et sont en train de devenir de la véritable mauvaise herbe!).

Du côté des insectes, il y a eu de nouveaux venus comme  le Sphinx du Chèvrefeuille (Hemaris Diffinis, Clearwing en anglais). Ma voisine a un énorme plant de chèvrefeuille, mais ce papillon se nourrit aussi de lilas (et j'en ai chez moi)! Il ressemble à une abeille, mais son mouvement différent avait attiré mon oeil. Quelle chance! Ses ailes, quasiment transparentes (d'où son nom anglais) lui donnent une élégance incroyable.

Autrement, le nombre de coccinelles dans le jardin a littéralement explosé cette année. Les coccinelles sont pour moi un bon indice de la santé d'un jardin alors j'étais drôlement contente de les voir... Et surtout de les voir en action contre les pucerons sur la plante sacrifice de l'année (un chardon qui est autrement une mauvaise herbe).


Il y avait aussi beaucoup d'escargots à la grosse coquille absolument fabuleuse! Les limaces étaient bien sûr très présentes aussi, mais elles ne valent pas une photo! :)

La plante surprise cette année fut le fenouil. J'en avais planté l'an passé et à la fin de la saison 2012, faute de temps, je l'avais laissée en place. Je me disais que j'aurais peut-être quelques graines chanceuses qui germeraient pour la saison. Eh bien apparemment, l'hiver n'a pas eu raison de ses racines (ni de ses graines tombées à leurs pieds) car les vieux plants sont revenus en force cette année avec bien sûr de nouveaux rejetons tout autour. Mon fils y prend goût ; déguster une feuille de fenouil pour lui est tout à fait délicieux. Moi je n'aime pas le goût, le trouvant trop anisé. Mais les graines font néanmoins une tisane intéressante et surtout moins prononcée, alors il a été récolté à cette fin, cet automne.


Récolte de fines herbes : En haut à gauche il s'agit de 69g de
graines de moutarde, au centre en haut, de la sauge séchée pourpre,
à droite du thym séché et en bas au centre une quantité incroyable
de graines de fenouil.


Et puis à la fin d'octobre, les gels de nuit ont emporté les plants de tomates qui étaient encore pleins de fruits. Quelques récoltes plus tard et il était bel et bien temps de fermer le jardin. Ici, thym, baume mélisse et hémérocalle revêtent la rosée gelée qui annonce bel et bien la fin de la saison de jardinage 2013.




vendredi 11 octobre 2013

L'histoire d'une fausse fraise

This article in English.
Este artículo en Español

Hélène :
Un dimanche après-midi chez des amis au début septembre, s'est déroulée l'intrigue suivante. 
"Hélène, viens voir ça, peut-être que tu peux me dire ce que c'est. Moi je dis que c'est une fraise, ma femme dit que c'en est pas une."

Quelques instants plus tard, dans un coin du terrain qui est plutôt ombragé, je vois un large tapis vert foncé recouvert de petites billes parfaitement rondes et d'un rouge absolument éclatant. Après un regard sur les feuilles qui sont en groupe de trois, je répond "Ben oui, c'est une sorte de fraise, ça!". Et puis j'y goûte. Une, deux, trois. Huh. Ça ne goûte presque rien, on dirait de l'eau de fraises mélangée avec une touche de melon d'eau. Croquant, à cause du nombre de graines. Je suis quand même convaincue qu'il s'agit d'un type de fraise qui a malheureusement peu de goût.

Après un peu de recherche par contre, l'histoire de ce petit fruit se dévoile : Il s'agit de Potentilla Indica, préalablement classé Duschesnea Indica, de son nom commun, le fraisier des Indes, ou encore le faux fraisier (Mock Strawberry en anglais, Falsa Fresa ou Fresa India, en espagnol). Ses fleurs sont jaunes plutôt que blanches ou rosées, un élément qui la distingue bien des fraises (Fragaria), quoique je n'ai pas pu en voir, n'étant pas dans le temps de la floraison.
Le faux fraisier est agressivement envahissant. Ici, un gazon ne peut l'empêcher de se multiplier.

La fiche wikipedia indique que cette plante vient de l'Afghanistan, de l'Inde, de l'Indonésie, du Japon, de la Corée du Nord et de la Chine. Elle pousse très bien ici au Canada.

Tisane de Septembre.
Même si le goût à priori semble décevant, c'est probablement parce que je m'attendais à un goût de fraise. Autrement, la plante a tout de même de grand avantages : D'abord - et à mes yeux - elle a une grande valeur ornementale et fait un couvre-sol agressif, mais vraiment beau, parsemé de joyaux parfaitement ronds et d'un rouge éclatant. Elle pourrait probablement être utilisée avec succès dans certains recoins de terrain réputés difficiles. Deuxièmement, on peut faire des feuilles une tisane qui est quand même bien. Elle a un bon goût prononcé, contrairement à ses fruits, mais aurait avantage à être mélangée avec une autre plante, peut-être comme de la feuille de framboisier. Je crois aussi que les fruits pourraient potentiellement être mangés nature ou être ajoutés à une limonade au citron probablement sans en affecter le goût, mais en la colorant d'un joli rose.

Mais la chose la plus intéressante, c'est qu'il s'agit d'un petit fruit qui est là en quantité en septembre. Et des petits fruits en septembre, il y en a - comme les cerises de terre - mais la panoplie de variétés reste quelque peu limitée!




lundi 30 septembre 2013

Des vertus du plantain et de la cohabitation avec les guêpes

This article in English.
Este articulo en Español

Louise :

La plupart du temps, le plantain (Plantago), tout comme les guêpes, suscite des réactions négatives. D'un côté, une mauvaise herbe agressive que l'on retrouve souvent dans les fissures du ciment ou de l'asphalte en milieu urbain, de l'autre une bestiole dont la piqûre est potentiellement mortelle pour les personnes qui y sont fortement allergiques. Leur sort devrait donc être réglé rapidement : ce sont deux nuisances, n'est-ce pas ?
Plantain majeur (Plantago Major en latin - Broadleaf Plantain o Greater Plantain en anglais, Llantén Mayor en espagnol). On le voit pousser ici à travers l'herbe et le trèfle. Ses tiges de graines et ses grandes feuilles lustrées en forme de cuillère sont bien visibles.

Oui, mais la réalité n'est pas aussi tranchée que ça, bien sûr. Le plantain a le défaut, impardonnable pour certains, de chercher à coloniser tous les coins de pelouse, avec enthousiasme et rapidité. Il a aussi la précieuse qualité de s'offrir à portée de main comme médicament de premiers soins d'une efficacité redoutable contre les piqûres de guêpes, de moustiques et d'abeilles, sans compter les irritations cutanées dues à l'ortie (Urtica) ou à l'herbe à puce, par exemple.

On voit bien ici la tige parée de
graines presque prêtes pour une
potentielle récolte.
J'en ai fait l'expérience personnelle cet été, quand j'ai eu le malheur de piétiner un nid de guêpes de terre, par inadvertance. D'abord, je me suis éloignée assez vite pour limiter les dégâts à une seule piqûre sur un doigt. Ensuite, je me suis vite mise à la recherche de plantain. Comme notre gazon n'a rien à voir avec les pelouses de golf à part la couleur, je n'ai pas eu de mal à localiser un plant et à en prélever deux feuilles m'apparaissant propres. Je les ai essuyées de la main et de la manche, je les ai pliées en trois ou quatre et je les ai enfournées dans ma bouche, pour les mâcher grossièrement.

Puis j'ai réarrangé les feuilles mâchées pour en faire un cataplasme que j'ai rapidement appliqué sur la région de la piqûre. La douleur a diminué instantanément, à mon grand soulagement. J'ai gardé les feuilles en place pendant une trentaine de minutes, humblement reconnaissante de mon confort si vite retrouvé. Par la suite, la douleur qui m'est restée était vraiment bénigne, comme un simple rappel de ne pas retourner tout de suite dans le coin de jardin où ma mésaventure s'était produite.

Les guêpes quant à elles, tout comme les abeilles, ont un rôle important à jouer comme insectes pollinisateurs. De plus, les guêpes sont prédatrices de plusieurs espèces d'insectes considérées nuisibles par les jardiniers. Certaines espèces sont chasseuses, d'autres sont parasites en pondant leurs oeufs dans le corps d'autres insectes (si ceci vous intéresse, voir cet article). Mais quand on vient de subir leur piqûre,c'est leur côté nuisible qui se présente à nous et c'est précisément à ce moment que le plantain vient à notre rescousse. 
Hélène : Le plantain est peut-être considéré comme une mauvaise herbe
car peu importe s'il s'agit d'un environnement de campagne ou urbain,
il pousse partout. Dans les rues de Montréal, s'il y a une fissure, ce sera
probablement la première plante à s'y installer. Voyez ici comme elle
s'entend bien avec le pissenlit, l'hémérocalle et la glissoire de fiston.
Je suis parfois ambivalente quand il s'agit d'opter pour la destruction des nids de guêpes ou pour la cohabitation pacifique. Après tout, il y a toujours une part de risque à partager un territoire avec des bestioles si douées pour se défendre. Mais je dois dire que les pires mésaventures que moi et ma famille aient connues se résument à une, deux ou trois piqûres à la fois, même en ayant abandonné d'urgence la tondeuse à gazon, moteur en marche, directement au-dessus d'un nid.

Jusqu'à présent, je détruis le nid si : 
- il est situé sous terre dans un endroit passant;
- il est accroché à la structure d'un bâtiment ou d'une structure quelconque et que les occupantes seront dérangées par les vibrations occasionnées par des chocs (comme une porte qu'on ouvre et qu'on ferme ou des coups de marteau) ou par le passage rapproché d'humains ou d'animaux;
- le site est fréquenté par des enfants ou des visiteurs à proximité; 

Je laisse les guêpes en paix si leur nid est dans un endroit retiré ou non passant.

Quant au plantain, son utilité ne s'arrête pas là. 
- On peut en manger les jeunes feuilles au printemps, crues pour agrémenter une salade, ou cuites à la manière des épinards.
- On peut faire sécher les feuilles, les entreposer au sec, puis les humecter pour en faire des cataplasmes pour soigner les maladies de peau, les éraflures et les coupures. Les racines s'utilisent aussi dans le même but.
- On peut infuser les feuilles une demi-heure dans l'eau bouillante pour en faire une tisane vitaminée.
- On peut récolter les graines et les moudre pour les ajouter à la farine de crêpe ou de pain, ou encore on peut donner ces graines aux oiseaux de volière ou de basse-cour, ils en raffolent. Les graines ont un certain effet laxatif.
-  Enfin, on peut tout simplement tolérer cette plante dans notre pelouse, car elle accumule le potassium, le calcium et le soufre, dont elle enrichit le sol lorsqu'elle meurt. 

Hélène : Les guêpes ont tendance à être plus agressives que les abeilles. Une des raisons c'est que les abeilles, lorsqu'elles piquent, doivent arracher leur dard, ce qui déchire leur abdomen et qui provoque leur mort. Une guêpe, quant à elle, peut piquer autant qu'elle le veut. Alors à moins que l'abeille ne sente vraiment son nid menacé, elle ne piquera pas, car il s'agit vraiment d'un acte de dernier recours, c'est pour cela que je laisse bien vivre les abeilles qui sont aux abords de mon jardin. Dans les 5 années de cohabitation, et bien que je me sois appuyée de nombreuses fois directement sur leur nid dans le bois, je n'ai jamais reçu une seule piqûre. J'en parle dans cet article.

Ce superbe nid, fait d'une pâte de bois mâché, est la demeure de guêpes à taches blanches (Dolichovespula Maculata - White-faced hornet en anglais). Leur tête présente les taches et leur abdomen est rayé de noir et blanc. Il a grossi tout l'été, en abord de notre jardin. À l'hiver, seules survivront la reine et les jeunes femelles fécondées. Au printemps, le nid sera abandonné et chaque survivante partira en quête d'un site pour bâtir un nouveau nid, même la reine-mère.