vendredi 17 novembre 2017

Les succès et échecs 2017, partie 1

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Cliché automnal: vigne de raisins qui jaunit et chatte noire d'Halloween. J'aurais dû ajouter mon unique petite citrouille à la photo.


Article similaire de l'année précédente:
Année 2016

Hélène:
Il a vraiment fallu que j'aille relire mes autres articles des années précédentes pour savoir si je ne me répétais pas: Nous avons eu une saison vraiment bizarre! Les températures étaient complètement azimuts, bel et bien signe que les changements climatiques ne sont pas une berlue.

Cet article ne sera pas très long car cette année, je n'ai pas pu mettre la main au jardin comme j'en ai l'habitude et force est d'admettre qu'il en a souffert. Retournant sur les bancs d'Université avec entre autres une session d'été intensive, les mois de Mai et Juin n'ont pas reçu toute l'attention requise pour bien démarrer le jardin. Et pour une myriade de raisons plus personnelles, durant l'été et l'automne il n'aura pas reçu non plus les soins nécessaires pour donner une bonne performance.

Résultat: ce qui a bien fait, ce sont les vivaces établies. Les fraises (dont une nouvelle variété), les framboises, les pêches, les raisins, les cassis rouges. La plupart des annuelles ont performé de façon correcte, mais rien d'époustouflant.

Les tomates, par exemple, ont très bien fait, mais ma famille s'est vite désintéressée de les manger et je ne prenais donc guère le temps de les récolter. Les patates ont bien fait, mais encore là, je suis certaine que j'en ai perdu beaucoup (certaines que je récoltais commençaient à montrer des signes de pourriture et en plein centre d'où je les avais plantées, malgré une verdure luxuriante, il n'y avait aucune patate). Les fèves n'ont pas très bien fait, car les plants se sont fait attaquer: les feuilles se retrouvaient toutes grignotées et le temps que j'ai mis à remarquer le problème, il était déjà trop tard. (Et je ne sais même pas quel insecte est responsable! Il faudra probablement que j'arrête d'en planter pour quelques années pour éliminer la surpopulation de la peste en question.)



Pour le meilleur (ou pour le pire) je n'arrose pas mes arbres fruitiers comme le pêcher. Le fruit était très abîmé (photo ci-haut à l'appui) quand j'ai fait la cueillette, mais il s'agit d'un fruit à la peau tellement épaisse qu'une fois celle-ci enlevée, la chair était parfaite et succulente! J'en ai cueilli tellement (environ 80 fruits), ce fût une véritable fiesta de la pêche, chez nous! Fruits frais bien sûr, mais clafoutis, smoothies et confitures ont agrémenté notre mois d'août! J'en ai même congelé pour l'hiver!
On peut voir ici seulement le tiers de la cueillette complète, environ.

Pour leur part, les raisins sont devenus du jus délicieux. Dans le bol blanc, ce sont les cerises noires du cerisier de mon fils; je n'ai récolté que celles qui étaient à porter de main.

Finalement en fin de saison, bien que les températures aient été particulièrement chaudes pendant le jour, ce n'était pas le cas des nuits qui devenaient plutôt fraîches. Ainsi, la dernière récolte de tomates d'il y a quelques jours n'était pas extraordinaire puisque le fruit - bien qu'il semblait correct sur le plant - se dégradait rapidement une fois rentré dans la maison. Elles ont eu trop froid, ces tomates! J'avais 3 variétés dans le jardin: 'Pink Vernissage' (la grosse rouge striée à gauche), 'Cherry Orange' (au centre) et 'Petit moineau blanc' (à droite).

 Enfin, quelques poignées de deux variétés de fèves ('Scarlet Runner' et 'Nebraska Beauty'), une citrouille et quelques piments 'Paprika' encore verts font partie des dernières récoltes.
'Scarlet Runner' à gauche et 'Nebraska Beauty', au centre, sont les deux variétés de fèves. Une petite citrouille 'Sunshine', des fleurs de lavande et de Calendula (souci) séchées complètent la récolte ici.

 Conclusion:
Toute la beauté de la permaculture fait à nouveau surface dans mon esprit: un jardin bien établi évite les ennuis. Les vivaces donnent un grand coup de pouce à tout jardinier en manque de temps, une leçon que j'avais bien retenue de ce fabuleux livre (lecture que je recommande chaudement). Preuve à l'appui que je répète ici: mes vivaces m'ont fourni une abondance de fruits, mais les annuelles n'ont malheureusement pas suivi leur exemple.

mardi 15 août 2017

Parlons fraisement

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Hélène:

Nous avons fait l'éloge des fraises à plusieurs reprises: dans un des tout premiers articles de ce blog nous en parlions, et en plus je suis revenue les mentionner presque tous les ans dans nos articles récapitulant notre saison de jardinage... J'ai même mentionné l'histoire d'une fausse fraise!

Mais voilà, les fraises sont parmi les premiers fruits à être dégustés directement du jardin! Chez moi, j'en ai deux variétés: la fraise des bois (photo ci-haut) dont la récolte dure près de 3 semaines, et la fraise arctique qui, après avoir donné des fruits à la fin du printemps, en même temps que l'autre, prend un léger repos pendant les chaleurs estivales pour m'en fournir à nouveau l'automne venu.
Poussant au travers de mon origan doré, ce plant tout semblable à un plant de fraises standard est néanmoins beaucoup plus robuste et gros.
Et voilà que l'an dernier j'ai planté une nouvelle variété de fraises qui vous impressionera sûrement, j'ai nommé la Fraise Albinos (Fragaria Ananassa), Pineberry en anglais. Il s'agit d'une fraise blanche dont les légères graines sont teintées en rouge ! Nous n'en avons pas cueilli en grande quantité bien sûr, les plants sont en train de s'établir et il semblerait que l'épais tapis d'origan doré ne les encombre nullement! Le goût est également excellent; un bon parfum typiquement de fraises, elles ont également un petit goût que certains disent s'apparenter à l'ananas, d'où son nom latin.

Les fraises albinos, au centre, se démarquent des fraises traditionnelles à droite et des cassis rouges à gauche.

 Maintenant avec 3 variétés de fraises dans mon jardin, mes printemps seront festifs!

jeudi 1 juin 2017

La rainette faux-grillon


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Hélène:
Le 23 Avril dernier, la ville de Boucherville offrait un atelier-découverte dans le Boisé du Tremblay, un sentier nouvellement inauguré et accessible au public depuis l'Automne 2016. J'y ai participé avec ma petite famille et nous avons eu beaucoup de plaisir à sillonner le sentier de 1,43km qui commence en route gravelée et qui se développe en passerelle de bois suspendue. Il en est ainsi, car le Boisé du Tremblay est un environnement humide en grande partie (les milieux humides sont classés en 4 grandes catégories: les tourbières, les marais, les étangs et les marécages).

Marécage arborescent, c'est-à-dire principalement composé d'arbres.

L'intérêt du Boisé du Tremblay est tout particulier: il s'agit d'un des sites où la population de rainettes faux-grillons de l'Ouest, Pseudacris triseriata  - une espèce classée vulnérable au Québec et menacée au Canada - y est la plus importante.

Cette petite beauté de la nature fait face,  malheureusement, à beaucoup de facteurs qui jouent contre son épanouissement.  

D'abord, elle ne mesure qu'un maximum de 3,7 cm, ce qui en fait un des plus petits amphibiens. Sa taille réduisant sa capacité à parcourir de grandes distances, son habitat se limite donc à un rayon d'environ 300 m autour de son étang. Une si petite surface est fragile aux changements et compte tenu qu'une rainette faux-grillon (ayant une espérance de vie de 1 à 2 ans) ne pourra se reproduire qu'une fois dans sa vie, une population peut disparaître en un rien de temps. Le but de cet atelier était donc d'informer et de sensibiliser la population. Voici d'ailleurs le manifeste du gouvernement du Canada sur la rainette faux-grillon.


Une toute petite rainette faux-grillon femelle au centre de l'image !
Il y a aussi le fait que, pour qu'un têtard arrive à maturité, les conditions doivent être parfaites. Puisque les rainettes se reproduisent dans des étangs temporaires, celles-ci ont besoin d'une bonne quantité d'eau (pas d'eau, pas de têtards; trop d'eau ou des nappes d'eau permanentes et le potentiel d'avoir plus de prédateurs, comme des poissons, est accru); cette hydro-période doit durer entre 80 et 120 jours (quoique les recherches sont encore en cours et ne s'accordent pas toutes sur ces chiffres) pour laisser le temps aux têtards de devenir rainettes. 
La forêt a les pieds dans l'eau et c'est donc l'idéal pour la période de reproduction de la rainette.
Lorsque nous avons fait la visite, nous pouvions entendre le chant des rainettes. Étant en pleine période de reproduction, le Boisé du Tremblay est normalement fermé aux visiteurs pour cette période (voir pancarte sur la photo qui suit), pour ne pas nuire aux amourettes. Notre petit groupe avait le privilège d'être guidé par des experts de la ville de Boucherville et les propriétaires de la terre (Nature-Action) qui avaient beaucoup de bonnes informations à nous transmettre sur la rainette, mais aussi sur le Boisé en général. Voici d'ailleurs leur site internet et les règles du Boisé: Nature-Action.

Lors de notre promenade guidée, nous avons néanmoins croisé quelques groupes de personnes qui semblaient faire fî du règlement, malheureusement.

Il serait bien ici de mentionner quelques-unes des règles du Boisé. Ces règles sont mises en place, rappelons-le, pour réduire au minimum la perturbation de ce lieu protégé. Par conséquent, et outre la période mentionnée ci-haut, les chiens ne seront plus permis à partir du 1e juin 2017. Bien sûr, tout véhicule récréatif y est interdit, en été comme en hiver. Rester sur les sentiers peut paraître comme une règle qui va de soi. Néanmoins, je crois qu'il est important de la formuler en bonne et due forme. Les déchets, les feux et toute forme de perturbation qui pourrait menacer le milieu sont à proscrire. Après tout, ce Boisé vaut la peine d'y faire attention!


Le sentier tortueux vu en arrière plan. Dans cette forêt, il y a beaucoup de frênes en péril à cause de l'Agrile du frêne, espèce exotique qui n'a pas de prédateurs par ici et qui fait des ravages.

Outre la courte période de temps de reproduction où il est demandé de ne pas s'y promener (du 10 avril au 8 mai), le Boisé vaut la peine d'être visité! Y étant allée à la fin du mois d'avril, j'y retournerai sûrement pour prendre des photos... plus vertes!


mardi 28 mars 2017

Windowfarms a fermé ses portes




Mon potager vertical, fait de pots de porcelaine.


Il y a quelques années, j'ai écrit deux articles sur ce blogue illustrant la possibilité d'utiliser une fenêtre pour faire pousser des légumes et des herbes dans un système hydroponique vertical de fabrication artisanale. De plus, je vous avais donné les adresses de l'organisation qui a rendu publique l'idée de ce système. 

Malheureusement, en décembre 2016, les activités de l'entité commerciale appelée Windowfarms ont pris fin. 
Les adresses suivantes windowfarms.com, windowfarms.org, et  mywindowfarm.org
ont été elles aussi désactivées, les deux dernières étant de domaine public. Avec cette fermeture, il semble que les articles que j'avais publiés sur le forum windowfarms ont été perdus eux aussi. Mais vous pouvez quand même consulter les sources d'informations suivantes :


Mes propres articles sur notre blogue  3 Jardins au Québec :

Il y a aussi, en anglais :
Un article sur Wikipedia qui explique l'évolution de cette organisation
Un court article sur WikiHow qui explique comment bâtir ce système en 10 étapes. 
Sur YouTube, Windowfarms' official channel est encore ouvert et sa dernière vidéo date de Novembre 2013. Elle présente un système très impressionnant installé au
New York Museum of Natural History.
La page FaceBook de l'organisation existe encore, mais leur dernière publication date de Mars 2016. 
Une page web a été créée par des citoyens Canadiens qui, après avoir participé au financement de l'entreprise commerciale Windowfarms, allègue qu'il ont été floués.
Il y a encore plusieurs vidéos en ligne sur les windowfarms, incluant un guide de construction en deux épisodes, un autre guide, conçu méthodiquement, et une vidéo présentant une amélioration technique astucieuse pour pousser l'eau jusqu'au haut de l'installation, le joint en T.

Un forum britannique a vu le jour très récemment, avec de nouveaux membres, une quarantaine pour le moment. Par conséquent, l'information qu'on y retrouve est encore très limitée.

Le cresson de fontaine a un goût poivré, ce qui en fait une addition délicieuse pour les salades !





Malgré sa défaite, qu'est-ce que Windowfarms nous lègue après sa mort ?

L'idée originale de "faire des cultures" à l'intérieur de notre foyer, sans même tenir compte des saisons et du climat, la technologie simple et abordable, la philosophie de partager plutôt que de breveter les idées, le souci d'une nourriture de meilleure qualité. Et par-dessus tout, l'inspiration !

vendredi 6 janvier 2017

La culture des légumes sur balles de paille - le début de l'aventure


Louise : 

Le projet qui me tenait le plus à coeur, lorsque nous avons acheté la terre au printemps 2013, c'était d'installer un grand potager. Il y avait un endroit tout désigné pour cela : un grand espace dégagé et naturellement bien drainé, dont le centre était exposé au soleil pratiquement du matin au soir. 

J'ai érigé l'entrée du potager entre un bosquet de
 lilas français (photo ci-haut) et un pommetier
décoratif au feuillage rouge vin (photo suivante).
2 bacs en cèdre et une arche faite d'une rambarde
récupérée ce sont glissés entre ces deux arbustes.
Cette installation faisait partie du petit jardin de
ville que nous vous avions présenté en avril 2013,
dans un article intitulé Le troisième jardin.

Malgré mon enthousiasme, j'ai dû patienter toute une année, car il y avait des besoins plus pressants dont nous devions nous occuper.
Ce n'est donc qu'au printemps 2014 que j'ai pu démarrer mon projet maraîcher. 
Pendant tout ce temps, j'avais eu le temps d'y réfléchir longuement et de changer d'idée une bonne douzaine de fois au moins avant de me fixer sur la marche à suivre.





Une bonne dose de travail :

Si j'ai trouvé l'aventure excitante et l'expérience beaucoup plus plaisante que d'avoir à détourber et labourer un champ de chiendent, le travail consenti n'a pas été négligeable non plus. Le transport et la mise en place des matériaux demande de la patience et des muscles. Le procédé de traitement des balles prend du temps, car il faut préparer les thés de compost, épandre les amendements et arroser. À l'eau tiède, s'il vous plaît. Or, l'eau provenant de notre puits est glaciale, hors de question, donc, d'utiliser directement le boyau d'arrosage. Il fallait donc laisser reposer l'eau dans des barils pendant toute une journée, puis aller porter cette eau tempérée avec des seaux et des arrosoirs. 

 L'installation des jeunes plants dans les balles demande aussi un certain effort, car il faut tasser les brins de paille - déjà très serrés les uns contre les autres - et parfois même en arracher une poignée pour y ménager un trou de plantation assez grand pour accommoder leur motte et éviter d'écraser leurs racines, puis remplir les interstices de terreau pour éviter que les racines se retrouvent exposées à l'air. Et puis, dans mon cas, il y a eu l'arrachage régulier de jeunes pousses d'avoine, qui a duré pratiquement tout l'été sur certaines des balles. De plus, les balles de paille ne retiennent pas bien l'eau près de leur surface. Il faut donc être vigilant et arroser souvent durant toute la saison, surtout les plantes dont les racines ne sont pas assez longues pour rejoindre le fond des balles.

 Une assez jolie facture :
    
     J'ai pu minimiser les coûts de plusieurs façons et j'estime avoir dépensé environ 450$ pour cette première installation de 150 balles. Pas si mal, pour un potager de cette grandeur. Mais si j'avais payé le plein prix pour tout, je me serais retrouvée avec une facture d'environ 1000$. Et cela, c'est sans compter le coût d'une installation d'arrosage automatique - dont nous nous sommes passés. D'abord, les engrais biologiques ne se donnent pas. Heureusement, j'ai beaucoup réduit mes frais en préparant mes propres liquides d'engraissement et en utilisant mon propre compost et le fumier de cheval à ma disposition. Pour les coûts de transport, une énorme remorque et un puissant camion nous ont été prêtés et nous n'avons eu qu'à payer l'essence. Mais ma plus grande économie a été faite sur la paille, que j'ai eu la chance d'obtenir au prix dérisoire de 1$ la balle (on m'avait parlé d'un prix moyen de 4$ la balle, cette année-là).

 Une liste d'inconvénients et de problèmes plutôt courte :

 Je crois que je vous ai clairement fait comprendre que l'installation d'un tel jardin n'est ni pour les paresseux, ni pour les gens très pressés, ni pour les jardiniers qui ne tiennent pas à exercer leur musculature.

     De plus, il nous a fallu arroser nos cultures abondamment, tous les jours, durant les périodes de chaleur sans pluie, sous peine de voir nos légumes se flétrir de façon notable. Certaines balles gardaient leur humidité beaucoup moins longtemps que d'autres, alors dans quelques sections du jardin, les légumes ont souffert de cette sécheresse. Mais plus les racines sont profondes, moins le manque d'humidité est un problème.


Un autre problème auquel il faut s'attendre : la corde de certaines balles peut casser, ce qui permet à la paille de s'affaler, ouvrant une crevasse béante dans les balles. Pour remédier au problème, on peut soit remplir la fente de terreau, soit la refermer en rattachant la balle (plus facile à dire qu'à faire) ou en l'étayant à l'aide de quelques piquets plantés à la verticale dans le sol, tout contre la paille qu'on prend soin de remettre en place au préalable. Il faut agir assez rapidement, surtout si les racines des légumes ont été mises à découvert, car une balle ainsi ouverte perd beaucoup plus vite son humidité.

      Comme dans le cas de la terre à jardin, il se peut que l'intérieur des balles de paille ne contienne pas tous les nutriments nécessaires à la croissance des plantes. Par exemple, à un moment, nos tomates ont manqué de calcium, problème que nous avons rapidement réglé en diluant quatre litres de lait écrémé dans leur eau d'arrosage (nous avions quarante plants de tomates). Un seul traitement a suffi. J'avais saupoudré des coquilles d'oeufs broyés en début de saison, mais le calcium qu'elles contiennent n'est disponible que l'année suivant sont épandage, paraît-il.

     Divers champignons poussent abondamment sur les balles à mesure qu'elles se compostent, mais cela n'a eu aucune conséquence sur notre santé et nos récoltes, comme on nous l'avait prédit. Naturellement, nous avons fait bien attention de ne récolter aucun de ces champignons et si, par exemple, une feuille de laitue était entrée en contact direct avec l'un d'entre eux, par prudence, nous ne la consommions pas.

     Le désherbage d'avoine n'était pas prévu et il a consommé beaucoup de notre temps, surtout durant le premier mois, comme je l'ai déjà mentionné à quelques reprises (je crois que cela m'a marquée). 

     Les semis sont plus difficiles à réussir sur une balle de paille qu'en pleine terre. C'est surtout parce que l'humidité est moins constante sur le dessus de la balle, mais il y a aussi le risque que certaines graines s'enfoncent trop profondément dans la paille. Plus les graines sont volumineuses, plus les chances de succès sont grandes, comme on pourrait s'y attendre. Les graines de citrouille ou de haricots, par exemple, réussissent à germer assez bien.


Tout à bâtir :

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     Le site choisi était couvert d'une vigoureuse pelouse de chiendent et de mauvaises herbes persistantes, comme du pissenlit, du plantain, de la bardane, de la petite oseille ou du rumex crépu. Ces plantes ont de fort belles qualités, mais les légumes n'ont aucune chance de faire du bon travail s'ils doivent lutter avec ces dernières pour l'espace et les nutriments. 
     Or, je n’étais pas prête à attendre une année de plus avant d'obtenir une récolte.

     
Une vieille boîte à lettre trouvée dans un des
bâtiments a été installée à l'entrée du potager,
près de l'arche. C'est un bel espace de rangement
pour les gants et les petits outils, mais nous y

retrouvons souvent des locataires
indésirables : des guêpes, qui n'apprécient
pas du tout la cohabitation !



 
  
   Donc, je devais trouver le moyen de transformer cette pelouse en espace de culture assez rapidement pour respecter un calendrier raisonnable de semis et transplantations. Or, j’ai un travail à temps plein qui me tient particulièrement occupée tout le printemps. J’étais donc à la recherche d’une méthode d’aménagement à la fois très économique et très rapide sans avoir à labourer la terre, entre autres pour éviter de perturber son écosystème, mais surtout parce que le chiendent est une plante particulièrement résiliente, qui ne se laisse pas facilement intimider par un rotoculteur. De plus, je ne voulais pas me soucier de vérifier la qualité du sol ou mettre beaucoup d’énergie pour l’amender afin d’en corriger les lacunes éventuelles.










      
     De la paille à ma rescousse :



Je me propose de vous présenter une méthode de culture dont vous aurez peut-être entendu parler. Il s’agit d’utiliser des balles de paille (appelées aussi bottes ou ballots) comme médium de culture plutôt que du terreau. D'abord, faisons la différence entre le foin et la paille. Le foin est composé de différentes plantes herbacées qui sont coupées et séchées au moment où elles portent encore leurs graines, puis tassées et attachées en bottes. Comme les grains sont présents dans le foin, celui-ci constitue une nourriture protéinée pour le bétail. Et bien sûr, ces grains sont bien vivants et ne demandent que de l'humidité pour se mettre à germer. 


La paille est la tige de plantes céréalières, comme le blé, le seigle et l'avoine. C'est un sous-produit de la culture céréalière. Une fois les grains de céréales séparés de leur tige (par battage) au moment de la récolte (la moisson), il reste la paille, pas très nutritive pour le bétail, mais qui a tout de même plusieurs usages. Entre autres, elle est un excellent matériau isolant, elle peut servir de litière aux animaux, ou être étendue sur le sol pour prévenir la pousse des mauvaises herbes (paillis). À moins qu'il ne soit pourri, le foin ne convient pas pour ce dernier usage, parce qu'il contient encore une importante quantité de graines qui germeraient sur place.

Monsieur Joel Karsten, l'américain qui se présente comme l'inventeur de la culture en balles de paille, en vante les mérites suivants : pour un coût très abordable, ce médium de culture est très riche (une fois que la paille a commencé à se composter, c'est-à-dire à pourrir). De plus, il n'exige pratiquement pas de désherbage, pas de labourage et fournit un lit de culture plus chaud que la terre environnante, le tout à une hauteur du sol qui ménage un peu le dos. Enfin, il peut accueillir une grande variété de légumes. 

      On se retrousse les manches et on commence !

    Pour cette première saison, je n'ai eu le temps d'installer que la moitié de mes 300 balles. J'ai donc installé mon jardin sur une surface d'environ 40 X 80 pieds (12 X 24 m). J'ai dû remiser les autres jusqu'au printemps suivant.

     1. Il a fallu charger, transporter et décharger toutes ces balles. J''ai eu beaucoup d'aide pour cette étape, qui s'est faite en 2 voyages - grand merci à la parenté, à la famille du vendeur et aux amis. Les balles ont été empilées à l'extérieur et recouvertes avec une toile, tout près du futur potager.


      
     2.  J'ai fait de nombreuses visites aux conteneurs de récupération pour ramener à la ferme tout le carton dont j'ai eu besoin. Je l'ai obtenu gratuitement de différents commerces - il suffit de demander la permission au propriétaire ou au gérant). Il a encore fallu en arracher le ruban gommé transparent et parfois, les grosses agrafes métalliques qui renforcent certaines boîtes. J'ai couvert toute la surface de la pelouse de trois épaisseurs de carton en les faisant chevaucher afin d'éviter que les racines de mauvaises herbes se faufilent. Je savais que, sans cette barrière protectrice, le chiendent se réinstallerait très rapidement sans grande difficulté. 

    3. Pour éviter que le carton parte au vent, j'ai procédé par sections, déposant les balles de paille une par une sur chaque section avant d'en commencer une autre. J'ai quand même dû placer des roches, des briques et des bûches par-dessus les cartons pour empêcher le vent de les retrousser.


     Pour rendre l'accès plus facile aux personnes à mobilité réduite, j'ai sacrifié de l'espace pour des allées larges de quatre pieds (120cm). Sur cette photo, à gauche, on voit des tapis de caoutchouc et, de l'autre côté, du carton. J'ai aussi utilisé, dans plusieurs autres allées, un gigantesque tapis industriel en feutre bleu ciel, laissé par l'ancien propriétaire des lieux. Je l'ai découpé en bandes légèrement plus larges que les allées. Le ballot de feutre était si lourd que notre VTT (Quad) n'arrivait pas à le bouger. Heureusement que nous avons un tracteur !
    
  La forme la plus traditionnelle des balles de paille québécoises est le bloc rectangulaire et, comme je le comprends, dont la grandeur et le poids peuvent varier, selon la machinerie utilisée et les ajustements qu'on peut y faire. Les miennes étaient de deux formats, la majorité d'entre elles mesurant 12 X 18 X 30 po (30 X 45 X 75cm), les autres étant un peu plus petites.

     Les balles de paille sont déjà assez lourdes quand elles sont sèches, mais quand celles du dessus du tas se retrouvaient bien arrosées par une bonne pluie, je devais généralement les rouler par terre pour arriver à les bouger. Il y a une précaution importante à mentionner au moment d'installer les balles au sol: on doit les orienter pour que les brins de paille se retrouvent dressés à la verticale, sinon l'eau et les matières organiques glisseront vers les côtés des balles au lieu de pénétrer la paille par le dessus.


4. Une fois mes balles en place, bien appuyées l'une tout contre l'autre, j'ai rempli les interstices entre chacune avec du fumier composté et du compost végétal. J'ai opté soit pour former des plates-bandes plus ou moins carrées, soit pour former des rangées plus conventionnelleslongues, droites et larges de 24 po (60 cm). Ces formations se sont bien adaptées aux petites différences de niveau d'un terrain quand même relativement plat, mais ont été plus difficiles à stabiliser dès qu'il y a eu un peu de pente.

     N'ayant pas pensé à une façon de placer mes balles de paille sur une ligne courbe, je n'ai pas appliqué une technique importante en permaculture : Trouver les lignes de niveau naturelles du terrain et faire suivre les plates-bandes et les allées le long de ces lignes, donc, perpendiculairement à la pente, pour bloquer le chemin à l'eau de pluie ou l'eau d'arrosage, évitant ainsi qu'elle ruisselle hors du jardin avant d'être absorbée par la terre et la paille. Pourtant, il y a un moyen de le faire, mais je n'y ai pas pensé sur le coup. Nous en reparlerions dans le prochain article.

     5. Il m'a ensuite fallu "traiter" les balles pour accélérer leur décomposition. Essentiellement, il s'agit, pendant quelques semaines, de bien mouiller la paille avec de l'eau tiède tous les jours, puis aux deux jours, puis aux trois jours, et d'y ajouter périodiquement de l'engrais organique et des micro-organismes. Graduellement, l'intérieur des balles commence à moisir (ce qui génère de la chaleur) et à se transformer en matière organique assimilable par les plantes potagères qu'on y installera. J'ai donc arrosé mes balles abondamment et de façon répétée avec de l'eau tiède additionnée de thé de compost oxygéné (mélasse bio achetée, extrait d'algues acheté, compost de vers de terre produit chez moi, infusion de bardane, de pissenlit, de consoude et d'algues d'eau douce, plantes qui poussent en quantité sur place). Ceci a procuré aux balles de paille une riche source de micro-organismes. J'ai aussi ajouté de la cendre et des coquilles d'oeuf broyées, pour le phosphore et le calcium. Si vous trouvez, comme Hélène, que tout cela sonne comme énormément de travail, eh bien, vous avez raison !

On voit ici deux plates-bandes en forme de carré, formées chacune de 4 balles alignées côte à côte et dans lesquelles poussent principalement de la citrouille, des tournesols et des plants de tomates. Le dessus des balles a été recouvert d'une mince couche de terreau et de compost, pour offrir un milieu plus accueillant pour les graines et les jeunes pousses. Les balles reposent sur trois couches de carton, qui recouvre aussi les allées. Au tout début, j'ai étendu de la paille dans les allées pour faire plus joli, mais c'était une très mauvaise idée, car la couche de paille maintient le carton humide, ce qui le rend terriblement glissant, comme il l'est après chaque pluie même s'il est laissé à découvert, d'ailleurs. De plus, l'humidité constante fait qu'il se décompose trop rapidement. J'ai donc retiré la paille au bout de deux ou trois semaines.
    
     6. Après quelques semaines d'arrosage, j'ai couvert le dessus des balles d'une couche de terre à jardin mêlée de fumier de mouton ou de cheval et j'ai commencé à transplanter et semer des légumes dedans. Cette couche de terre est nécessaire pour semer les graines, qui autrement, s'enfonceraient trop profondément dans la paille. Toutefois, les plus grosses graines, comme celles des courges, des haricots, des pois et des tournesols, arrivent à se maintenir assez près de la surface pour en émerger une fois qu'elles ont germé. Donc, le terreau n'est pas absolument nécessaire avec les grosses graines.

     7. Chaque grain de céréale qui est resté attaché à la paille est susceptible de germer tout aussi bien que les semences qu'on y aura planté et ce, même sur des balles vieilles de plusieurs années. Il est rare de trouver une balle de paille sans aucune graine dedans, mais la quantité peut varier grandement et dépend, paraît-il, de la qualité du travail de séparation des grains fait par la moissonneuse-batteuse. Or, à en juger par la quantité de jeunes pousses d'avoine que j'ai dû arracher de certaines de mes balles, l'engin qui avait été utilisé pour les produire avait dû se désajuster en cours de route ! Si certaines balles n'ont produit aucune pousse d'avoine, d'autres m'en ont donné facilement 300 ! 


 Un autre usage que j'ai fait de mes balles de paille : j'ai érigé un mur isolant sur le pourtour du poulailler pour mettre nos poussins à l'abri du froid et des intempéries. Ici, on voit très bien un champignon dont le pied blanc s'étiole en hauteur (sur la gauche) et les pousses d'avoine toutes vertes, provenant des grains qui n'ont pas été séparés de leur tige au moment du fauchage.

     Un beau et bon résultat :

     Dès les premières semaines, le jardin a eu fière allure. La paille est sans aucun doute un très beau matériau. Une fois le processus de décomposition bien enclenché, elle produit un médium de culture très riche. La plupart de nos légumes y ont poussé vigoureusement, sauf dans une section qui ne recevait pas assez de soleil. Je n'ai pas osé y planter mon ail, que je ne voulais surtout pas risquer de perdre, et je n'ai pas planté de patates, cette année-là. En résumé, les récoltes ont été très bonnes!

     Je suis très satisfaite de cette première saison. De plus, j'ai découvert qu'avec quelques aménagements, un potager sur balles de paille peut évoluer pour durer plus d'une année, puisque je viens de terminer une troisième saison de jardinage cet automne ! Les balles, bien sûr ont subi des transformations dues au passage du temps et à l'action digestive de milliards de micro-organismes. Mais cette histoire-là, je vous la réserve pour une autre fois !