jeudi 21 juin 2012

Herbe-aux-goutteux ou herbe-aux-goûteux ?

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Louise : Comment devenir amie avec une plante aussi envahissante et friponne

D'abord, en apprenant à mieux la connaître. Laissez-moi vous parler de ma propre expérience : j'ai chez moi une vivace couvre-col de belle apparence avec ses feuilles vert pâle panaché de blanc : la podagraire, qui est aussi connue sous les noms suivants : égopode, aegopode, petite angélique, herbe de Saint-Gérard ou herbe-aux-goutteux (c'est-à-dire : herbe qui soigne ceux qui souffrent de la goutte). Son nom latin est : Aegopodium podagraria, ses noms anglais : Ground Elder, Herb Gerard, Bishop's Weed, Goutweed, Snow-in-the-Mountain. Les espagnols, quant à eux, utilisent son nom latin : Aegopodium, ou Pie de cabra, Podagraria, Yerba de San Gerardo.
Dans sa forme sauvage, elle est d'un vert uni assez foncé, et on la retrouve en abondance à l'état sauvage de l'Europe jusqu'en Asie occidentale. Elle peut atteindre 60cm (2pi) de hauteur.
Au Québec, je n'ai rencontré que la forme panachée (vert pâle et blanc), en vente dans certains centres de jardinage et qui est beaucoup plus courte :  20 à 35 cm (8 à 12 po)... et moins envahissante. 

Plante friponne, mais si jolie !
Notre aegopode panachée est appréciée surtout parce qu'elle fait un couvre-sol dense qui, tout comme sa cousine toute verte, élimine la concurrence, s'étend vigoureusement sur tout l'espace qu'on lui laisse et forme un massif illuminant les coins sombres du jardin. Elle préfère l'ombre pas trop dense ou la mi-ombre et elle s'arrange de tout type de sol.
Vous me direz : une belle vivace pour les endroits ombragés qui ne laisse pas passer la mauvaise herbe... 
Où est le problème ? 
Eh bien, c'est qu'elle ne laisse passer pratiquement rien d'autre ! Elle tuera à peu près n'importe quelle autre vivace, même si celle-ci est beaucoup plus grande. Elle pourra même venir à bout de certains arbustes, les rosiers, par exemple. Je la soupçonne d'avoir tué un vinaigrier que j'avais planté à côté. J'imagine qu'elle doit excréter quelque chose au niveau des racines. De plus, si elle a sa chance, elle s'étendra pour partir à la conquête du monde ! J'ai même eu un jardin où elle essayait constamment de s'échapper en lançant ses racines souterraines à travers la pelouse. Les sources européennes mentionnent que la podagraire se ressème abondamment. Les britanniques ne semblent pas avoir ce problème, que ce soit avec la variété verte ou panachée. Ici, je n'ai jamais remarqué qu'elle se ressemait.
Il paraît qu'on peut aussi la cultiver en pots sur un balcon et, bien sûr, il est toujours possible de couper et retirer le fond d'un très grand pot de plastique, de l'enfoncer dans le sol jusqu'au col et de planter l'herbe-aux-goutteux dedans, pour l'empêcher de s'évader.
Notre herbe-aux-goutteux à nous a été plantée sur notre propriété actuelle bien avant que nous arrivions. Par chance, elle avait été placée au bord de l'entrée de gravier, en lisière du terrain, isolée sous des arbres matures. De plus, j'ai toujours veillé à couvrir les quelques rares issues qui s'offraient à elle avec une épaisse couche de feuilles mortes. Elle n'a jamais réussi à s'échapper de là. 
De mon côté, sachant que je ne réussirais probablement jamais à m'en défaire, je n'ai même pas essayé et je lui ai concédé son espace. 

Plante amie ?
C'est tout récemment que j'ai découvert que l'herbe-aux-goutteux est une plante potagère et médicinale. Mais pour moi, elle pourrait aussi bien s'appeler l'herbe-aux-goûteux tant nous l'avons trouvée délicieuse. 
Je l'ai essayée en cuisine seulement ce printemps et je n'en suis pas encore revenue : un véritable délice. Je ne me suis pas encore risquée à la consommer à haute dose, par exemple comme légume vert pour accompagner un plat de viande, car je m'y prends toujours prudemment avec un nouvel aliment. Les réactions allergiques sont toujours possibles. De plus, son goût est puissant et je voulais mettre toutes les chances de notre côté. Après tout, c'est une chose merveilleuse de découvrir un nouveau légume vivace à trois pas de sa porte, mais encore faut-il apprendre à l'apprécier, si on veut en faire une source alimentaire régulièrement utilisée.
Je l'ai donc employée d'abord dans un plat de pommes de terres et d'oeufs, puis dans une soupe, et enfin comme légume principal entrant dans la composition d'un sauté de cubes de veau. Nous avons eu le plaisir de découvrir que l'aegopode donne aux plats un goût différent, riche et très savoureux.

 
Une plante utilisée depuis longtemps et de plusieurs façons 
Il semble que les romains l'ont trimbalée avec eux jusqu'en Grande-Bretagne et qu'elle était abondamment utilisée dans toute l'Europe durant le Moyen-Age. Aujourd'hui, elle est encore couramment utilisée en Scandinavie, en Russie et en Lithuanie, soit comme légume, soit comme herbe aromatique.

En cuisine
Le "lapin" qui a grignoté toutes ces feuilles
d'herbe-aux-goutteux,
c'est moi, aidée de ma paire de ciseaux.
En fait, il parait que les lapins
ne touchent pas à cette plante.
On consomme les jeunes feuilles printanières crues en salade, ou cuites, de toutes sortes de façons, à l'étuvée comme légume d'accompagnement, en soupe, ou comme herbe aromatique dans les omelettes et les plats de viandes ou de pommes de terre. 
 Plusieurs européens la considèrent comme une des meilleures verdures à consommer. D'autres ne l'aiment pas du tout. 
Elle ferait partie de la même famille que les carottes et ses feuilles comme ses tiges se mangent. Elles ont un goût assez fort rappelant justement le feuillage de la carotte et le persil. 
Attention, pratiquement tous les sites mentionnent que pour l'utiliser en cuisine, il faut la cueillir avant la floraison, car à partir de ce moment, son goût change et elle devient laxative. Une source anglophone donne le truc suivant : il suffit de couper les feuilles régulièrement pour empêcher la plante de fleurir. De cette façon, on pourrait la manger durant toute la saison estivale. Il faudra que j'essaie.
Par contre, j'ai essayé de la congeler et j'ai découvert avec ravissement que cela n'affecte en rien son goût.
Je conserve certaines de mes herbes dans des pots de verre, au congélateur.
Ici, aegopode, livèche et feuilles de raifort, trois plantes au goût prononcé,
chacune dans son pot.
 


En herboristerie
Médicinalement, par contre, on la cueillerait durant ou après la floraison, fraîche ou sèche, du moins d'après le site Plants for a FutureElle serait peu utilisée de nos jours, mais elle a une longue histoire médicinale. Elle a été utilisée en cataplasme pour traiter les brûlures, les plaies, les piqûres, les articulations douloureuses, et en tisane contre l'arthrite et le rhumatisme. Mais surtout, elle est réputée comme médicament pour les personnes qui souffrent de la goutte, d'où son nom : herbe-aux-goutteux. Ce lien vers Wikipédia vous en apprendra plus sur cette maladie pouvant devenir chronique, qui est liée au métabolisme de l'acide urique et qui s'attaque surtout aux articulations, aux reins et à la peau.
Quelle est la leçon à tirer de cette histoire ?
D'abord, en sachant qu'à la base, une plante nuisible, ça n'existe pas, du point de vue de la nature, du moins. Chaque plante joue son rôle et dame Nature y voit toujours. Autrement dit, si une plante apparaît quelque part et y prospère, c'est que la nature a trouvé un rôle à lui faire jouer. Ceci est vrai même pour les plantes qui envahissent soudain un écosystème, car elles profitent, en général, d'un débalancement existant pour s'inviter et jouer un rôle qui n'est pas entièrement rempli par les autres organismes en place. Souvent elles apparaissent pour remédier l'habitat endommagé et une longue liste de plantes se remplacent l'une après l'autre pour guérir l'environnement. Que nous les voyons comme des mauvaises herbes n'est simplement qu'une perspective humaine. 
Par contre, pour le jardinier, une plante qui n'est pas à sa place peut lui causer de réels problèmes, je le sais par expérience, probablement comme tous les jardiniers du monde. Mais désormais, avant de rêver à une baguette magique pouvant annihiler instantanément une plante qui me dérange, je ferai des recherches pour essayer de découvrir ses vertus cachées.

Quelques recettes pour celui ou celle qui serait tenté

http://cuisinesauvage.blogspot.ca/ : Ce site est extraordinaire. Choisir "égopode" dans le menu déroulant et vous aurez trois recettes différentes. Je vous recommande chaudement la galette d'égopode.


http://www.medecinesnaturelles.com/index.php?to=3&so=3&page=7 : un potage fait de plusieurs verdures qu'on retrouve au printemps dans nos jardins.



Et pour finir, voici ma propre recette de veau à l'aegopode :

CUBES DE VEAU À L’AEGOPODE 
Ingrédients :
3 oignons moyens coupés en morceaux
2 onces (60g) de feuilles et tiges d’aegopodes fraîches ou congelées, finement ciselées
225 gr de cubes à brochettes
150 à 200 ml de bouillon de légumes maison (j’ai utilisé le bouillon résultant du blanchiment de ma récolte d’asperges, que j’avais laissé réduire pour le concentrer)
Huile d’olive
Sel et poivre
1.   Faire revenir les oignons et la viande dans l’huile à feu vif
2.  Ajouter le bouillon petit à petit pour empêcher de contenu de la casserole de coller.
3.  Laisser cuire à feu moyen pendant environ 5 minutes
4.  Ajouter l’aegopode, mélanger et laisser cuire 5 minutes de plus
5.  Saler et poivrer
Délicieux ! Servir avec du couscous ou du riz et des pointes d’asperge à l’étuvée.

1 commentaire:

  1. Bonjour, je suis confronté à cette herbe qui a ruiné mes débuts de jardin potager, le moindre tronçon repart ! Rien ne paraît jusqu'en mai (cette année l'hiver en région parisienne étant clément les feuilles demeurent vertes et intactes) et d'un coup cette plante, délicieuse certes, déploie ses feuilles et plonge dans l'obscurité les semis. La seule chose à faire est de fuir, pas d'accommodement possible, j'ai donc dû déplacer mon potager dans un autre coin du jardin, tout humilié et contrit d'avoir sous-estimé ce redoutable adversaire !!! Du coup , dans la logique de permaculture j'ai sincèrement du mal à envisager cette herbe comme un atout sur lequel s'appuyer à part peut être pour les cultures hautes demandant un paillage.

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